Messi est toujours le meilleur joueur du monde !
Après le but victorieux de Messi contre Manchester City, une déferlante de commentaires dithyrambiques sur la Pulga a inondé les médias et les conversations. J’ai fait corps pour saluer la beauté et l’importance du but du néo-parisien mais refusé de mettre genou à terre lors de cette nouvelle intronisation qui démontre une faible et inquiétante vision des événements et surtout, que nous ne nous sommes toujours pas défait du mythe napoléonien.
Vouloir tout d’abord distinguer l’individu dans le cadre d’un sport collectif est une mission bien complexe, peut-être même un non-sens. Mais si tel est le chemin emprunté, il faudrait à minima tâcher de déterminer des critères pertinents reflétant la philosophie du sport. Dans le football, depuis une décennie, en alternance, le succès prend les traits de Messi et de Cristiano. Peu prennent réellement le temps de disséquer le contenu de leurs matchs, de leurs saisons, préférant s’en remettre à l’expression froide des statistiques et parfois même, pour les plus fainéants, à la trace laissée par le passé, et accepter une tendance collective consistant à évaluer l’exercice d’un joueur à partir d’une impression, « à la louche » comme on dit ! Xavi, Iniesta, Neuer, Ribéry, Sneider et Griezmann l’ont constaté malheureusement à leur dépens.
Sur les dix dernières années Messi (et Cristiano) a probablement été le meilleur joueur du monde mais nous faire croire qu’il l’est encore, est faux. Oui, balle aux pieds, par sa vision, sa qualité de passe et de finition, il reste probablement le numéro 1. Mais à la perte du ballon de son équipe, c’est la catastrophe, l’Argentin se mue en plot – il marche constamment et ne réagit même plus quand un adversaire, à un mètre, le dépasse avec le ballon. Messi disparaît et se contente simplement d’attendre que la possession change de camp oubliant qu’il joue au football et non au handball. Je vous invite à voir jouer toutes les équipes du top 5 (Chelsea, Liverpool, Bayern Munich…), tout le monde court et défend, du gardien à l’avant-centre, c’est un effort collaboratif. Le fait que Messi et le Barça n’aient plus remporté la Ligue des Champions depuis 2015 n’est pas un hasard. Le génie argentin n’a plus les jambes et seul un club où l’amateurisme sportif règne peut accepter le jeu sous ce prisme-là. Mais pour gagner une compétition aussi exigeante que la Ligue des Champions, ça ne suffit pas.
Même phénomène à Lyon, où Memphis Depay était considéré comme le prophète, l’homme par qui venait la lumière, réputation construite à coups de dribbles chaloupés et de frappes lourdes décisives. En regardant les matchs de Lyon, de la première à la dernière minute, ce qui m’interpellait le plus n’était pas la frappe de 25 mètres du Néerlandais dans la lucarne de l’adversaire du soir ou un but dans les derniers instants d’un match démontrant son abnégation mais plus son faible impact 90% du temps, son incapacité à se lier dans le jeu à ses coéquipiers. Il brillait soit par son absence ou par une accumulation de mauvais choix qui, au-delà de ne pas aider son équipe, la pénalisait très clairement. Au lieu de me gargariser de ces exploits je préférais croire que si l’Olympique Lyonnais avait possédé un joueur moins virtuose individuellement mais plus à même de se fondre et participer à une idée collective, sans doute le club ne serait pas réduit à espérer que son attaquant veuille bien lui accorder cette fulgurance. Mon sentiment fut confirmé par les propos de Marco Van Basten (triple Ballon d’or) sur les débuts de Depay à Barcelone cette année : « Je pense que c’est un bon joueur, mais c’est un artiste, un individualiste. Il fait ce qu’il veut et ne persiste pas beaucoup. Je crois que dans une grande équipe, il faut être davantage un joueur d’équipe. Il faut attaquer ensemble et se passer le ballon. J’ai l’impression qu’il en fait trop tout seul et je ne sais pas si c’est suffisant pour un club d’élite ».
Du côté de l’Angleterre, même frénésie avec le retour du fils prodige, Cristiano Ronaldo, qui annonce de nouveaux succès pour les Diables Rouges. La Juventus de Turin pensait la même chose en attirant le Portugais, qui devait lui permettre de soulever la coupe aux grandes oreilles qui lui échappe depuis si longtemps. Mais il n’en fut rien ; après deux finales en trois ans, l’arrivée en 2018 de Cristiano a coïncidé avec une crise des résultats et de jeu du côté de Turin (éliminée en 2019 en quart par l’Ajax et en 2020 et 2021 en huitième par Lyon puis Porto). Bonucci, capitaine de la Vieille Dame, a révélé récemment quelques clés de ce fiasco : « On a peut-être considéré comme acquis que si on donnait le ballon à Cristiano, il nous ferait gagner le match. » L’ex-défenseur des Red devils, Danny Blind, est l’une des rares voix qui alerte sur les limites de la croyance en un sauveur : « Manchester United a perdu sa structure défensive depuis le retour de la star portugaise Cristiano Ronaldo (…) car il n’est pas tenu de participer activement au travail défensif… »
La NBAsation du football encourage à l’individualisation et à une lecture purement statistique corroborée par quelques high lights bien sentis. Stephane Guy, journaliste sur RMC Sport, a magnifiquement qualifié le premier but de Messi sous les couleurs parisiennes contre City : « le premier but du reste de sa vie ». Restons sur cette formule existentialiste, sur l’aspect esthétique et historique de ce but, mais ne manquons pas de respect à notre sport, à Lewandowski, à Benzema, à Jorginho, à Kanté ou encore à Salah, qu’encensait Guardiola lui-même le week-end dernier comme « le meilleur joueur du monde en ce moment » après le match nul de son équipe contre Liverpool.
Dans le foot, comme dans notre société, arrêtons de dévaluer la complétude et la polyvalence de ces individus qui brillent et qui surtout rendent les autres autours d’eux meilleurs. Ne nous laissons pas aveugler par la lumière intermittente des Dieux, et succombons aux charmes, peut-être plus discrets, de l’être humain. Ne nous contentons plus des high lights trompeurs et regardons intégralement les matchs qui, dans tous leurs aspects (lenteur, intensité, combat, technique, tactique…), accouchent d’une histoire unique et complexe.
Watch the full fucking match!
Messi is still the best player in the world!
After Messi’s winning goal against Manchester City, a surge of rave reviews about the Pulga flooded the media and conversations. I joined forces to salute the beauty and the importance of the goal of the neo-Parisian but refused to kneel down to this new enthronement which shows a weak and worrying vision of events and that we still have not got rid of the Napoleonic myth.
Wanting first to distinguish the individual in the context of a team sport is a very complex mission, perhaps even nonsense. But if this is the path taken, we should at least try to determine relevant criteria reflecting the philosophy of the sport. In football, for a decade, success features of Messi and Cristiano. Few really take the time to dissect the content of their matches and season. To many people rely on the cold expression of statistics and sometimes even for the laziest they rely on the collective impression of their heros. Sadly, Ribéry, Sneider and Griezmann have not been fully rewarded or recognized for their amazing season achievements.
Over the past ten years Messi and Cristiano) have probably been the best players in the world but to have us believe that they still are is wrong. Yes, with the ball Messi’s vision, his quality of passing and finishing, remains probably the number 1. However, when his team loses of the ball, it is the disaster, the Argentinian turns into a pylon – he walks constantly and no longer even reacts when an opponent is one meter away with the ball. Messi disappears and is content to simply wait for possession to change sides—forgetting that he is playing football and not handball. I invite you to watch all the top 5 teams (Chelsea, Liverpool, Bayern Munich…) play, everyone runs and defends, from goalkeeper to center-forward, it’s a collaborative effort. It is no coincidence that Messi and Barca have not won the Champions League since 2015. The Argentinian genius no longer has the legs
and only an amateurs club can accept this behaviour. To win a competition as demanding as the Champions League that is not acceptable.
Same phenomenon in Lyon, where Memphis Depay was considered the prophet, the man from whom the light came, a reputation built on swaying dribbles and decisive heavy strikes. Watching the Lyon games from the first to the last minute, what appealed to me the most was not the Dutchman’s 25-meter strike into the night’s opponent’s skylight or a goal in the dying moments of ‘a match demonstrating his abnegation but more his low impact 90% of the time, his inability to relate in the game to his teammates. He shone either by his absence or by an accumulation of bad choices which, beyond not helping his team, penalized them very clearly. Instead of boasting about these exploits I preferred to believe that if Olympique Lyonnais had had a less talented player individually but more able to blend in and participate in a collective idea, the club would probably not be reduced to hoping that his attacker please grant him this lightning. My feeling was confirmed in the words of Marco Van Basten (triple Ballon d’or) about Depay’s Barcelona debut this year, “I think he’s a good player, but he’s an artist, an individualist. He does what he wants and doesn’t persist very much. I think in a great team you have to be more of a team player. We have to attack together and pass the ball to each other. I feel like he’s doing too much on his own and I’m not sure if that’s enough for an elite club.”
On the England side, the same frenzy with the return of prodigy son Cristiano Ronaldo, who announces new successes for the Red Devils. Turin’s Juventus thought the same as they attracted the Portuguese, to lift the big ears cup that has eluded him for so long. But it was not; after two finals in three years, the arrival in 2018 of Cristiano coincided with a crisis of results and play on the side of Turin (eliminated in 2019 in quarter by Ajax and in 2020 and 2021 in eighth by Lyon then Porto). Bonucci, captain of the Old Lady, recently revealed some keys to this fiasco: “We may have taken it for granted that if we gave the ball to Cristiano, he would win the match.” Former Red Devils defender Danny Blind is one of the few voices warning about the limits of belief in a saviour, “Manchester United have lost their defensive structure since the return of Portuguese star Cristiano Ronaldo…Because he is not required to actively participate in defensive work…”
The ‘NBAsation’ of football encourages individualization and a purely statistical reading corroborated by some strong high lights. Stephane Guy, journalist on RMC Sport, magnificently described Messi’s first goal in the Parisian colours against City, “the first goal of the rest of his life”. Let us stay on this existentialist formula, on the aesthetic and historical aspect of this goal, but let us not disrespect our sport, Lewandowski, Benzema, Jorginho, Kanté or even Salah, which Guardiola himself praised. last weekend as, “the best player in the world right now” after his team’s draw against Liverpool.
In football, as in our society, let’s stop devaluing the wholeness and versatility of these individuals who shine and who above all make others around them better. Let us not be blinded by the intermittent light of the Gods, and succumb to the charms, perhaps more discreet, of the human being. Let’s no longer be satisfied with the deceptive high-lights and let’s watch the matches in full, which in all their aspects (slowness, intensity, combat, technique, tactics…) give rise to a unique and complex story.