Le 28 avril prochain Damso revient avec un nouvel opus ! Remontons le temps, de huit petits mois seulement, pour plonger à nouveau dans son précédent album Qalf, que l’on écoute toujours avidement.
Lors de la première écoute de Qalf sur Spotify, j’ai retrouvé cette sensation que je pensais pourtant à jamais perdu, à cause de la digitalisation et probablement de la pandémie, celle d’un confinement désiré avec l’univers d’un artiste.
Nouvellement habitué, comme chacun, à picorer ici et là une bonne chanson, cet opus m’apparaît comme une anomalie car, comme un Twix ou un KitKat, chaque chanson ne peut se consommer à l’unité ; Dam’s nous aspire dans une pièce en plusieurs actes.
Zigzaguant dans les allées d’un souk guidé par un mantra indien hypnotique, l’intro nous conduit au pied d’une porte qui, une fois poussée, nous rappelle que Damso est avant tout rappeur. Le ton est donné et annonce l’explosion de saveurs à venir ; il s’autorisera tout et ne nous laissera pas dans le confort d’un album classique de rap.
L’intro enjambée je succombe à « Deux toiles de mer », hymne à l’évolution – « évidemment que j’suis pas le même qu’hier ! » – résonne dans mes entrailles. Puis « Sentimentale », zouk et pop, me fait instantanément danser sur une plage de Oaxaca. « Cœur en miettes » en feat avec Lous and the Yakuza vibre comme une compo sophistiquée de Calogero. Et puis atterrissage à Kinshasa, aux côtés de Fally Ipupa. Un voyage toujours saupoudré de titres rap pur et dur comme ce feat avec Hamza, efficace et froid comme une trace de cocaïne, ou encore « D’ja roulé » très Fifty Cent sur lequel on s’imagine aisément bouger en club. Un autre temps.
“J’écoute Qalf comme je lirais un poème, croquant minutieusement certains morceaux, et en avalant d’autres, sans mêmes les mastiquer – leur forme et texture contentant mon plaisir”
Au-delà du plaisir de l’écoute, Damso réalise un plus grand miracle, celui de réunir deux mondes que je pensais inconciliables.
Éduqué musicalement par mes amis d’enfance à coup de IAM, NTM, le Minister Amer, Doc Gyneco puis Lunatic, je vouais pourtant en secret un culte beaucoup plus sincère à un autre art, la Littérature, qui en banlieue n’est pas chose à crier sur les toits.
Adulte, plus détaché des autres et donc du RAP, j’ai éprouvé plus sereinement mes propres goûts musicaux. J’écoutais alors en boucle Noir Désir et Alain Bashung, sensible aux accointances évidentes avec mes écrivains préférés. Par la subtilité de ses mots et la surprise constante des propositions, Damso me les remémore et pose un tabouret près d’eux qui évase le cercle. J’écoute Qalf comme je lirais un poème, croquant minutieusement certains morceaux, et en avalant d’autres, sans même les mastiquer – leurs formes et textures contentant mon plaisir.
Mais en réalité, son existence remet en question davantage la mienne ! Il est le lien entre mon passé, ma culture (le rap, la banlieue, un déni certain des émotions) et ma nature précieuse aujourd’hui affirmée (une tendance au raffinement dans le jeu des sentiments et dans l’expression littéraire). Là où je me suis toujours cru devoir choisir, renoncer – source de tristesse et d’angoisse – il relève, lui, sublimement le défi de l’union. J’ai pu un court instant le jalouser. Mais passé le choc, près de lui, quelque chose en moi s’est apaisé.
Qalf, the Peace of Two Worlds
On April 28th, Damso returns with a new album. Let’s go back in time just eight months ago, and dive back into his previous album ‘Qalf; which we eagerly still listen to.
When I first listened to Qalf on Spotify, I rediscovered this feeling that I thought had been lost forever because of the digitalization of music, (and probably the pandemic) that desired confinement in the universe of an artist.
Newly accustomed, like everyone else to pecking at a good song here and there, this opus strikes me as an anomaly. Like a Twix or a KitKat, each song cannot be consumed individually; Damso has sucked us into a multi-act play.
Zigzagging through the alleys of a souk guided by a hypnotic Indian mantra. The intro takes us to the foot of a door that, when pushed, reminds us that Damso is above all a rapper. The tone is set and heralds the explosion of flavours to come; he allows himself everything and won’t leave us in the comfort of a classic rap album.
After the intro I succumb to “Deux toiles de mer”, a hymn to evolution – “Obviously I’m not the same as yesterday!”— these words echo in my womb. “Sentimental”, Zouk and Pop vibes, which instantly makes me imagine dancing on a beach in Oaxaca. “Coeur en Miettes” feat. Lous and The Yakuza vibrates like a sophisticated composition of Calogero (French composer/singer). And then landing in Kinshasa, (Capital of the Democratic Republic of the Congo) alongside Fally Ipupa. A journey always sprinkled with pure and hard rap, with tracks like “BXL ZOO” feat. Hamza; efficient and cold like a trace of cocaine. “D’ja Roulé” has a very Fifty Cent vibe which one can easily imagine dancing to in a club.
In Another time.
Beyond the pleasure of listening, Damso achieves a greater miracle—that of bringing together two worlds that I thought were irreconcilable. Musically educated by my childhood friends through IAM, NTM, Minister Amer, Doc Gyneco then Lunatic (French Rappers). I nevertheless secretly devoted a much more sincere cult to another art, literature, which in the Parisian suburbs can be taboo.
“I listen to Qalf like I would read a poem, painstakingly crunching some tracks, and swallowing others, without even chewing them—their shape and texture satisfying my pleasure”
As an adult, more detached from others and therefore from RAP, I experienced my own musical tastes more calmly. I was listening to Noir Désir and Alain Bashung on repeat, sensitive to the obvious connections with my favourite writers. The subtlety of Damso’s words and the constant surprise of his proposals, reminds me of Désir and Bashung and suddenly my circle opens up. I listen to Qalf like I would read a poem, painstakingly crunching some tracks, and swallowing others, without even chewing them—their shape and texture satisfying my pleasure.
But in reality, Damso’s existence calls mine more into question. He is the link between my past, my culture (rap, the suburbs, a certain denial of emotions) and my precious nature now asserted (a tendency for refinement in the play of feelings and in literary expression). Where I have always believed myself to have to choose, to give up – a source of sadness and anguish – he takes up the challenge of union sublimely. I was able to envy him for a short time. But after the shock, of discovering that someone was able to be both, something inside me subsided.